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Dominique PRADELLE

Affiliation : Professeur des Universités – Sorbonne Université – Faculté des Lettres – UFR de Philosophie

Équipe : Archives Husserl

Champs de recherche : Philosophie allemande – Phénoménologie – Philosophie des mathématiques – Esthétique musicale

Présentation de la recherche

Un axe fondamental de nos recherches a consisté à interroger l’idée de philosophie transcendantale à partir de Kant et Husserl, au fil conducteur des critiques essentielles adressées à Kant par Husserl dans les appendices à Erste Philosophie. Nous l’avons fait tout d’abord à propos de l’esthétique transcendantale, en tâchant de mettre en évidence ce qui sépare l’Esthétique transcendantale kantienne de l’esthétique transcendantale renouvelée qu’aspirait à élaborer Husserl –  dont il a brossé de larges traits dans ses Leçons de 1905 sur le temps et celles de 1907 sur l’espace. L’essentiel de la critique husserlienne de Kant est dirigé contre l’anthropologisme et le psychologisme  : le fait que la distinction entre phénomène et chose en soi est relative à l’opposition entre intuition finie et infinie  ; que la révolution copernicienne de Kant aboutit à régler les structures a priori de l’objet d’expérience sur celles du sujet fini de l’expérience  ; et, enfin, que l’espace se réduise à une forme a priori de la sensibilité finie, c’est-à-dire à une structure formelle de la subjectivité humaine. Loin d’aboutir à des lois eidétiques inhérentes à toute conscience d’objet en général, la démarche kantienne serait ainsi grevée par un présupposé factualiste  : elle ne ferait que dévoiler la facticité des invariants anthropologiques de la conscience humaine. Nous avons montré comment Husserl critiquait et retournait ces différentes thèses kantiennes  : refus de la distinction entre phénomène et chose en soi, corrélativement au rejet de la distinction entre intuitions finie et infinie  ; mise en évidence de lois eidétiques objectives valables pour toute intuition en général, quelle qu’elle soit (par exemple, la connexion d’essence entre son et durée, entre couleur et étendue, qualités tactiles et étendue…)  ; et mise en évidence de modes d’intuition de l’objet (perception de res temporalis, de res extensa, de res materialis…) qui, de même, s’imposent à toute subjectivité en général, quel qu’en soit le statut ontologique.

Le second axe fondamental de nos recherches se situe au croisement de la phénoménologie transcendantale et de la philosophie des mathématiques et de la logique. Le foyer central de nos réflexions est l’ouvrage de Husserl intitulé Logique formelle et logique transcendantale, paru en 1929. Il y expose la stratification ternaire de la logique  : morphologie pure des significations, chargée de dégager les catégories fondamentales de signes et de significations et les lois de leur enchaînement sensé  ; logique de la non-contradiction et de la conséquence analytique, chargée de dégager les lois analytiques-formelles de la non-contradiction et de la validité  ; logique de la vérité, chargée d’expliciter les lois formelles de la vérité, c’est-à-dire de la validité de systèmes formels. Dans Intuition et idéalités, nous avons repris la question husserlienne de la nature de l’évidence dans le domaine des mathématiques et de la logique formelles, pour montrer que le concept d’intuition se déclinait en plusieurs concepts distincts, relatifs aux strates de la logique formelle traditionnelle  ; nous avons en outre montré qu’il fallait arracher l’évidence au modèle de la perception sensible, et substituer au concept d’intuition catégorial celui de remplissement catégorial, lequel embrasse la totalité des modes de validation des énoncés et positions d’existence des objets (modes souvent fort médiats et complexes). Dans Être et genèse des idéalités, nous abordons la question de la constitution, à la croisée du réalisme et de l’idéalisme  : comment peut-on à la fois affirmer que les objets dont traite la mathématique possèdent un être identique en tout temps et pour tout sujet pensant, et qu’ils ont été produits par un sujet mathématicien  ? L’idéalité des objectités formelles implique en effet leur autonomie ontologique vis-à-vis de la conscience, donc l’impossibilité de les produire  ; pourtant elles requièrent l’invention d’un système de notations symboliques et font leur apparition à un moment de l’histoire  ; n’est-ce pas le signe de leur dépendance ontologique vis-à-vis de la spontanéité productrice de la conscience  ? La vérité mathématique doit-elle donc être conçue comme adéquation de la connaissance à des objets préexistant en soi, ou comme dévoilement d’objets n’ayant ni existence en soi, ni préexistence à l’acte qui les dévoile  ? Ces questions fournissent l’occasion d’élaborer un discours de la méthode phénoménologique, d’analyser le mode d’être temporel des idéalités et de conjoindre idéalisme du sens et réalisme nomologique  : si le sens est engendré, les propriétés et les lois doivent être découvertes et démontrées.

Mots clé : Husserl – Heidegger – phénoménologie – transcendantal – a priori – historicité – mathématiques – logique – stratification – évidence – intuition – remplissement – catégorial – constitution – omnitemporalité – intuitionnisme

Choix de publications

Livres  :

  • Intuition et idéalités. Phénoménologie des objets mathématiques, Paris, Puf «  Épiméthée  », 2020, 550  p. (prix Biguet de l’Académie française  ; prix Jean Cavaillès)

  • Généalogie de la raison. Essais sur l’historicité du sujet transcendantal de Kant à Heidegger, Paris, Puf «  Épiméthée  », 2013, 458  p. (prix Alfred Verdaguer de l’Académie française)

  • Par-delà la révolution copernicienne. Sujet transcendantal et facultés chez Kant et Husserl, Paris, Puf «  Épiméthée  », 2012, 416  p.

  • L’Aufbau entre édification et structure  : Husserl et Carnap en confrontation (coéd. avec Julien Farges, CNRS  / Archives Husserl, et Jean-Baptiste Fournier, Sorbonne Université), Paris, Presses de la Sorbonne, 2022, 372 p.

  • Husserl. Phénoménologie et fondements des sciences (coéd. avec Julien Farges, CNRS  / Archives Husserl), Paris, Hermann, 2019, 512 p.

Articles dans des revues internationales  :

  • «  L’essence du phénomène  : de la théologie à la phénoménologie  », Archivio di Filosofia  89/2-3 (2021)  : Manifestation et Révélation. À propos du livre de Jean-Luc Marion, D’ailleurs, la Révélation, coordonné par Vincent Carraud & Raphaël Authier, p.  131-149

  • «  Réflexions sur les critiques transcendantales du substantialisme cartésien  », in Revue internationale de philosophie, numéro L’ego et la substance. À partir de Descartes (coord. par D.  Arbib, O.  Dubouclez & A.  Pelletier), 2/2021, p.  109-127

  • «  Anschauung und Idealitäten  », Phänomenologische Forschungen (dir. T.  Breyer, J.  Jansen et I.  Römer) 2020/1, p.  137-165

  • «  La réflexion heideggérienne sur les Regulae  : de la méthode à la métaphysique  », Revue philosophique de la France et de l’étranger, vol.  73, n°  290 (2019/4), numéro coordonné par A.  Séguy-Duclot, «  Modernité des Règles pour la direction de l’esprit de Descartes  », p.  409-432

  • «  Das problematische Verhältnis zwischen Lebenswelt und transzendentaler Konstitution  », in Interpretationes, numéro coordonné par Hanna Trindade & Karel Novotny, Acta Universitatis Carolinae, Studia Philosophica Europeana, 2019, p.  10-33

Articles dans des revues nationales  :

  • «  Historicité des sciences et du sujet de la connaissance chez Bachelard  », Revue de Synthèse (2022/1)  : Bachelard, coordonné par Charles Alunni, p. 137-160

  • «  La structure d’horizon au sein des axiomatiques  : la phénoménologie entre réalisme et idéalisme  », Noésis n°  38 (2022), numéro coordonné par Sébastien Marrone et Frédéric Patras, p. 99-121

  • «  Cogito et description  : de la réflexion transcendantale à la méthode régressive  », Les Études philosophiques, numéro coordonné par Vincent Carraud  : Des cartes rebattues  : les deux premières Méditations (2021), p. 95-119

  • «  Cavaillès ou la disparition du sujet  ?  », Revue de métaphysique et de morale n°  1/2020  : Jean Cavaillès, p. 38-66

  • «  Y a-t-il un platonisme phénoménologique  ? Primat de l’idea et langage de l’expérience encore muette  », Philosophie n°  141 (2019), p. 35-62