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Axe 2 • Anthropologie, éthologie et phénoménologie

Chercheurs impliqués : Florence Burgat, Marc Crépon, Dominique Lestel, Jean-Claude Monod et Christian Sommer

En marge des travaux consacrés aux figures fondatrices de la phénoménologie, un pan des activités des Archives Husserl se situe dans une optique blumenbergienne centrée sur l’anthropologie philosophique. Jean-Claude Monod explore la constellation des auteurs qui ont participé au débat portant sur la nature des Temps modernes en tant qu’époque sécularisée, ainsi que les formes de la théologie politique (C. Schmitt) ou du problème théologico-politique (L. Strauss) ; il a consacré à Blumenberg des études tentant de couvrir les champs variés qu’a sillonnés son œuvre : travail sur la métaphore, le mythe, les limites du dicible, typologie et historicisation des grands concepts de réalité, critique du théorème de sécularisation, etc. En convergence avec J.-C. Monod, Christian Sommer centre ses recherches sur le courant de l’anthropologie philosophique allemande (Plessner, Scheler, Gehlen…), qui aujourd’hui connaît un regain d’intérêt en France comme en Allemagne. Tous deux en analysent les concepts fondamentaux, la façon dont la phénoménologie s’est située par rapport à lui (Heidegger, le dernier Husserl et Scheler), mais aussi ses principes dans le sillage de la Description de l’homme de Blumenberg. Dans ce cadre, il a traduit Der Mensch d’A. Gehlen (L’Homme. Sa nature et sa position dans le monde), autre texte fondateur de l’anthropologie philosophique allemande aux côtés des Degrés de l’organique de Plessner et de La situation de l’homme dans l’univers de Scheler (1928). C’est dans cette même perspective que se situe le travail de C. Sommer sur Schopenhauer, premier philosophe à avoir formulé la doctrine de l’Umwelt de von Uexküll (déterminante pour l’anthropologie philosophique de Scheler à Plessner) et, par sa doctrine du corps comme objectivation de la volonté, l’un des inspirateurs de l’anthropologie philosophique (d’Alsberg et de Gehlen). Cette orientation donne lieu à un séminaire annuel régulier sur l’anthropologie philosophique, coordonné par F. Burgat, J.-C. Monod et C. Sommer.

Ces recherches anthropologiques sont complétées par des études portant sur l’éthologie et la philosophie de l’animalité, abordées dans une perspective phénoménologique et coordonnées par C. Sommer et surtout Florence Burgat : l’approche phénoménologique de la vie animale (recherches sur le phénomène du vivant chez Frederik Buytendijk, sur La forme animale d’Adolf Portmann), l’épistémologie juridique du droit positif portant sur l’animal (droit animalier) et la philosophie du droit des animaux, la condition animale dans les sociétés contemporaines, enfin l’anthropologie philosophique de l’humanité carnivore. Dominique Lestel élabore une approche phénoménologique des êtres vivants qui se distingue des théories de la vie qu’on trouve en biologie (de F. Crick et J. Watson à L. Margulis), en physique (d’E. Schrödinger à S. Kauffman) ou dans les théories de la « vie artificielle » proposées par C. Langton à la fin des années 80 ; par rapport au projet de l’anthropologie philosophique allemande du XXe siècle, il ne s’agit plus d’attribuer à l’humain un statut d’exception, mais d’en faire un animal particulier qui a atteint un statut dominant à travers ses compétences cognitives, donc d’ouvrir une réflexion sur l’ensemble des êtres vivants au lieu d’en choisir des exemples privilégiés.

Elles sont également complétées par des recherches dans le champ de la philosophie politique. Jean-Claude Monod a consacré une monographie à Carl Schmitt, interrogeant la possibilité d’un usage critique de sa pensée et montrant qu’une pluralité de lectures (parfois opposées) a dès le début accompagné cette pensée souvent dangereuse, parfois aiguë : Schmitt a saisi la déstabilisation du droit par la possibilité permanente de la décision souveraine – et de l’état d’exception – qui le suspend, ce qui explique l’attrait de sa pensée du côté révolutionnaire et marxiste. Poursuivant l’étude de la pensée politique et juridique dans l’Allemagne de Weimar, il s’intéresse aussi à l’adversaire déclaré de Carl Schmitt, Hermann Heller, qui a avancé la notion de « libéralisme autoritaire », analysant le glissement d’une partie du champ politique allemand vers une défense de la liberté économique dissociée des libertés publiques et couplée à un État autoritaire. De façon complémentaire et résolument contemporaine, Marc Crépon oriente ses recherches récentes dans trois directions, axées sur la problématique centrale du lien entre les constructions de l’identité et la violence : la déconstruction des appartenances (sens de la mortalité partagée et de l’appartenance au monde) ; la « culture de la peur », c’est-à-dire l’instrumentalisation des émotions qui fragilise la démocratie ; et une analyse de la violence au croisement de sources littéraires, philosophiques et politiques. Analysant les discours philosophiques et politiques construisant le refus de la violence en principe éthique et politique, il interroge l’invocation d’un commandement ou d’une loi d’amour, d’origine spirituelle, qui en est toujours le fondement ultime – La vocation de l’écriture, la littérature et la philosophie à l’épreuve de la violence, 2014, et L’épreuve de la haine, essais sur le refus de la violence, 2016.