Par-delà le clivage Nous-Eux : l’étranger intérieur
Organisé par Lucia Angelino (Marie Curie Fellow – Archives Husserl UMR 8547 CNRS/ENS)
avec la collaboration de Marc Crépon (Archives Husserl UMR 8547 CNRS/ENS
Dans toutes ses formes connues, le « nous » — ce pronom unificateur — s’érige toujours face à un « eux », il se pose en s’opposant. Autrement dit, son affirmation semble indissociable d’une exclusion, et, corrélativement, de l’identification d’un ennemi, ou d’un autre extérieur. Toutefois, nous entrons dans une époque où aucune ligne claire ne peut plus être tracée entre « nous » et « eux », les proches et les lointains, les amis et les ennemis, l’intérieur et l’extérieur, le familier et l’étranger, puisque ce qui se passe « là-bas » se passe aussi « ici », et cet « ici » est toujours nécessairement un « ailleurs », en raison des circuits et des défis globaux, qui relient chacun d’entre nous avec le destin et la vie d’autres êtres humains. Désormais, nous devons répondre à des sollicitations qui ont un caractère global et qui émergent à la fois à distance et dans des relations de proximité.
Ce redécoupage ambivalent des frontières et cette « réversibilité de la proximité et de la distance » nous invitent à problématiser l’opposition entre « nous et eux », et à penser les conditions de possibilité d’un « nous » qui s’étendrait au-delà de notre sphère d’appartenance immédiate, au nom d’une condition partagée de vulnérabilité qui est coextensive à la vie humaine sous toutes ses formes.
Prendre en compte cette difficulté c’est ce qui doit ouvrir le chantier d’une question en travail depuis l’entre-deux-guerres — en tant qu’horizon du projet européen fondé sur l’idéal d’une paix et d’une fraternité universelle entre tous les hommes : comment dépasser le clivage « nous/eux » qui, dans sa contradiction absolue, semble appartenir à la structure même de la communauté dans tous ses concepts connus, philosophiques et politiques ? Autour de quelle figure pourrait-il se faire l’identification d’un « nous » cosmopolite — partagée entre les peuples — qu’aucune identité close et fixe ne soutient, ni de nation, ni de souverain ? Entre le « nous tous » de l’universalisme abstrait et le « nous autres » replié sur lui-même des nationalismes n’y-a-t-il pas une place pour le paradigme de l’écart liant qui intègre (et respecte) l’étrangeté de l’étranger ?
Programme
Vendredi 03 février 2023 | 16h-18h | Salle Cavaillès
Dorothée Legrand (Archives Husserl – Pays Germaniques UMR 8547 CNRS-ENS)
Ils parlent à notre insu – inconscient et institution
Jeudi 09 février 2023 |16h-18h | Salle des Actes
Johann Michel (Université de Poitiers, École des Hautes Études en sciences sociales, CEMS/EHESS)
Étrangeté du sens et tiers interprétant
Vendredi 17 mars 2023 | 16h-18h | Salle Cavaillès
Danielle Cohen-Levinas (Université Paris 4-Sorbonne, Archives Husserl, CNRS/ENS)
Moi, nous et le tiers
Vendredi 24 mars 2023 | 16h-18h | Salle Celan
Jean-Claude Gens (Université de Bourgogne)
La constitution affective de la nostrité des vivants : la gratitude
Vendredi 14 avril 2023 | 16h-18h | Salle Cavaillès
Vincent Delecroix (École Pratique des Hautes Études-Sorbonne)
La communauté des prochains
Vendredi 21 avril 2023 | 16h-18h | Salle Cavaillès
Olivier Agard (Université Paris 4-Sorbonne)
La sympathie selon Max Scheler
Jeudi 11 mai 2023 | 16h-18h | Salle Celan
François-David Sebbah (Université Paris Nanterre)
« Nous ? » – entre Derrida et Stiegler
Mercredi 23 mai 2023 | 15h-17h | Salle Cavaillès
Gregory Cormann (Université de Liège, équipe Sartre de l’ITEM, CNRS/ENS)
Phénoménologie de l’étranger et haine de soi
Mardi 13 juin 2023 | 14h-16h | Salle Dussane
Bruce Bégout (Université Bordeaux Montaigne)
Le familier et l’étranger. Réflexions sur la typification de l’expérience humaine