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Dorothée LEGRAND

Affiliation : UMR 8547 Pays germaniques

Équipe : Archives Husserl

Champs de recherche : Phénoménologie française, déconstruction, éthique, psychanalyse

Présentation de la recherche

Mon travail poursuit depuis plusieurs années l’investigation de la subjectivité en tant que corps parlant, et ce d’un double point de vue : celui de la phénoménologie et celui de la psychanalyse. Les différences épistémologiques entre ces deux disciplines les rendent incompatibles l’une avec l’autre sur certains points, ce qui n’empêchent pourtant pas de les travailler ensemble, notamment au niveau le plus concret et le plus fondateur de leur méthodologie, de leur pratique. C’est ce qui m’a amenée à considérer les exigences éthiques de la pratique psychanalytique en m’appuyant sur la phénoménologie transcendantale telle que pensée par Husserl. Ce croisement ouvre un cadre de travail émancipé de la réduction transcendantale, où peuvent toutefois être suspendu les évidences, les a priori.

Dans ce cadre, mon travail s’est focalisé sur le thème de l’absence, pour déterminer son rôle dans la structuration de la subjectivité comme singularité. Si elle pense la subjectivité comme présence à soi originaire, quel rôle la phénoménologie peut-elle donner à l’absence dans la structuration du sujet ? Comment la psychanalyse peut-elle ouvrir des pistes de réponse à cette question ? Comment différentes figures psychopathologiques (en particulier l’anorexie et la mélancolie) nous confrontent-t-elles à l’absence comme structure même de la subjectivité. La clinique pose ici ses questions à la philosophie, nous impose de penser la possibilité de survivre à l’absence, et nous conduit à considérer une absence qui ne soit pas déficitaire mais constitutive. La phénoménologie y retrouve d’abord la force de son geste premier : suspendre l’évidence de la présence – telle est l’épochè. Mais là où la phénoménologie voudrait la réduire, l’absence résiste. Impossible à réduire, impossible à compenser, il faut alors composer avec l’absence. Une telle composition, telle serait notamment l’écriture. Nous sommes alors mis au travail du langage, des langues, des paroles, des corps parlants – corps de la psychanalyse.

D’une absence structurelle à une absence déstructurante, mon travail aura rencontré l’exil et ses impacts sur la subjectivité, d’une part d’un point de vue historique et politique, puisque nous nous laissons enseigner par les témoignages des survivants des crimes contre l’humanité du XX et XXI° siècles, et d’autre part d’un point de vue clinique, en proposant de conceptualiser des outils de survie, tel le rapport à la parole et la responsabilité de l’écoute face aux entreprises de déshumanisation en cours. Ainsi, les questions ouvertes par l’exil, telles qu’abordées dans mon travail, sont indissociables des questions d’hospitalité.

Si, avec l’exil et l’hospitalité, mon travail interroge notre contemporanéité la plus urgente, il ne se contente pourtant pas d’une lecture de l’actualité mais prend au contraire en considération le temps long – temps long d’un point de vue institutionnel et historique, d’une part, et d’un point de vue singulier et subjectif, d’autre part. C’est ce qui m’a amenée à reconsidérer la dimension générative de la phénoménologie husserlienne, donnant un rôle central au langage dans l’inscription du sujet dans le monde de la vie, monde préexistant à la naissance et perdurant après la mort de chacun, monde transmis de génération en génération. Après Levinas et Derrida, ces considérations permettent de penser à nouveau frais une manière d’être au monde requérant une hospitalité inconditionnelle qui, loin d’être arcboutée sur un supposé universalisme qui resterait paradoxalement eurocentrique, s’ouvrirait au contraire à une dynamique infinie, dynamique générative à laquelle participerait tout corps parlant. Il s’agit alors de considérer les conditions d’une pratique possible de l’hospitalité inconditionnelle de la parole, des langues, du langage. C’est ce qui est constamment mobilisé par la psychanalyse – soit une pensée et une pratique de l’hospitalité comme mise au travail des paroles, des langues et du langage en tant que praxis de filiation, praxis générative.

Ce travail théorique est mis à l’épreuve d’une pratique psychanalytique, notamment avec des personnes en situation d’exil.

Ces travaux font l’objet d’un séminaire ouvert à tous.

Mots clé : Merleau-Ponty, Levinas, Derrida, Freud, Lacan, Fanon.

Choix de publications

Ouvrage

  • Legrand, D. 2019. Écrire l’absence. Au bord de la nuit. Hermann. 248 p.

Direction d’ouvrage collectif

  • Legrand, D. (ed). 2017. Unconsciousness between Phenomenology and Psychoanalysis. Springer. Contributions to Phenomenology, n° 88. Avec Dylan Trigg.

Articles dans des revues à comité de lectures

  • Legrand, D. 2022. “L’autre réplique. Lire Merleau-Ponty avec Levinas” in Archives de Philosophie, 85, 3, pp. 83-100.
  • Legrand, D. 2021. “Témoigner de la rencontre de la mort et de la vie : Derrida lecteur de Blanchot lecteur de Winnicott” in Philosophie, n°151, pp50-63.
  • Legrand, D. 2021. “Écouter parler le langage : triplicité du témoignage” in Studia Phaenomenologica, XXI. p. 181-202.
  • Legrand, D. 2021. “Accueil en éclats” in Esprit, n°4, pp. 19-22. Avec Manon Piette.
  • Legrand, D. 2019. “Une distance intime” in Lignes, L’étranger et l’hospitalité, A. Nouss et J. Rogozinski (eds.), n° 60, pp. 91-107.
  • Legrand, D. 2018. “The Violence of the Ethical Encounter: Listening to the Suffering Subject as a Speaking Body” in Continental Philosophy Review, n° 51 (1), pp. 43-64. DOI: 10.1007/s11007-016-9405-1.
  • Legrand, D. 2018. “Solitudes et Mélancolies” in L’Évolution Psychiatrique, n° 83, pp. 182-193. DOI : 10.1016/j.evopsy.2017.06.004. Avec Manon Piette.
  • Legrand, D. 2017. “Responding to Incomprehensibility: on the Clinical Role of Anonymity in Bodily Symptoms” in Philosophy, Psychiatry & Psychology, n° 24 (1), pp. 73-76. Avec Line Ryberg Ingerslev.
  • Legrand, D. 2017. “Clinical Response to Bodily Symptoms in Psychopathology” in Philosophy, Psychiatry & Psychology, n° 24 (1), pp. 53-67. Avec Line Ryberg Ingerslev. DOI: 10.1353/ppp.2017.0008.

Chapitres d’ouvrages

  • Legrand D. 2023. “Qu’on dise… le langage sert à vivre” in : C. Pelluchon (ed.) Levinas/Merleau-Ponty : le corps et le monde, Paris, Hermann (Les colloques de Cerisy).
  • Legrand D. 2023. “Faire sens-un mouvement inconscient” in C. Berner, C. Morel (eds.) Philosophies du sens, Paris, Septentrion.
  • Legrand, D. 2021. “Le goût de la parole : l’inconscient est-il sensible ?” in : D. Cohen-Levinas & R. Moati (eds). Du bruit et du sensible. Autour de Jocelyn Benoist, Hermann, coll. Rue de la Sorbonne.
  • Legrand, D. 2019. “L’éthique est une poignée de mains : entre Maurice Merleau-Ponty et Emmanuel Levinas” in : Y.-C. Zarka (ed.) Phénoménologie de la vie. Cerf, pp. 171-198.
  • Legrand, D. 2019. “From crisis to psychoanalysis: suspension as an act of resistance against the reduction of subjects’ singularities” in L. Guidi & T. Rentsch (eds.) Phenomenology as Performative Exercise. Brill, Studies in Contemporary Phenomenology, pp. 29-48.
  • Legrand, D. 2019. “Constructions de la vérité” in Y. Sarfati, M. Masson & P. Marie (eds.) Pour une éthique du décloisonnement entre psychanalyse, psychiatrie et neurosciences. Paris, Doin, pp. 105-111.
  • Legrand, D. 2017. “The living body and the lived body in the clinical encounter: how does the body shape ethical practice?” in T. Schramme & S. Edwards (eds.) Handbook of the Philosophy of Medicine. SpringerReference, pp. 463-486.

Notice d’encyclopédie ou dictionnaire

  • Legrand, D. 2022. “Lacan” in : M. Lequin & A. Piette (eds.) Dictionnaire des anthropologies. Presses Universitaires de Paris Nanterre.

Presse

  • Legrand, D. 2023. “Inactualité de l’exil” in AOC, Analyse, Opinion, Critique, 12 juillet 2023.
  • Legrand, D. 2022. “Réfugiés ukrainiens : un monde où l’autre peut apparaître” in AOC, Analyse, Opinion, Critique, 22 mars 2022.
  • Legrand, D. 2020. “Chaque un de nous” in Le 1 : Silence, on vous surveille. N° 298. 27.05.