Co-organisation
- Jin Siyan, Centre de recherche Textes et cultures, Université d’Artois
- Michel Espagne, CNRS-ENS UMR 8547 Transferts culturels Paris
Date : du 2 au 3 octobre 2025
Lieu : salle des colloques, Maison de la Recherche, Université d’Artois
Présentation
Une chose qui est frappante : dans le Wenxin Diaolong 文心雕龙 la beauté littéraire est toujours associée à la beauté morale, ça c’est quelque chose qui est contraire à l’esthétique occidentale, il y a un mot de Gide qui dit « on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. ».
-Léon Vandermeersch, (Jin Siyan, « La genèse de la traduction du Wenxin diaolong», in Liu Xie, L’esprit de la littérature ciseleur de dragons, traduit et annoté par Jin Siyan, Léon Vandermeersch, Paris, Youfeng, 2023, p. 673.)
L’œuvre de LIU Xie (465-522) Le cœur de la littérature ciseleur de dragons, traduite en français et commentée par JIN Siyan et Léon VENDERMEERSCH présente un certain nombre de caractéristiques qui permettent de s’interroger sur la critique des textes dans la très longue durée. LIU Xie n’était pas un philologue, dans la mesure où la restitution d’une forme ne authentique des textes, malgré la tradition confucéenne de la « rectification des noms », ne originelle ne l’intéressait pas au premier chef. En revanche on observe dans sa réflexion l’hypothèse de liens entre l’approche des textes et la pensée religieuse (plutôt bouddhiste, taoïste en l’occurrence, mais adaptable à d’autres contextes). Un lien fort entre la morale et la tradition textuelle est mis en avant, entre le ton des textes et les contextes sociaux dans lesquels ils sont conçus. La critique des textes que LIU Xie suggère établit une relation entre les textes et l’esthétique générale. La question des genres est pour lui une question fondamentale.
Il n’est plus possible de partir de la grammaire des stoïciens et d’auteurs latins comme Horace pour faire dériver de ces seules positions initiales la pensée des textes. Il serait en revanche capital de voir à travers LIU Xie une contribution de la Chine ancienne à une histoire de la philologie qui ne saurait être désormais que globale. De même on pourrait voir dans quelles mesures les connexions établies par LIU Xie entre sa critique des textes et d’autres dimensions de la vie sociale seraient ou non transposables à des connexions parallèles, durant diverses périodes de l’histoire littéraire européenne. LIU Xie accorde une importance centrale à la question des genres et il serait sans doute utile de mettre en parallèle sa représentation de ce qu’on appelle un genre et ce qui a pu être défini comme genre en Europe. Enfin on a pu observer à époque récente que les théories critiques européennes étaient tout à fait perméables à des impulsions extérieures mais ne l’étaient guère aux impulsions venues d’Asie. Un texte comme Le cœur de la littérature et la sculpture des dragons pose une double série de problèmes. D’une part il a la complexité de tous les textes fondateurs qui développent un mode d’accès spécifique à une tradition littéraire au sens le plus large du terme et cette complexité doit être abordée par des spécialistes de philologie chinoise. D’autre part il invite à s’interroger sur la translation possible des interprétations proposées à d’autres espaces culturels. En Europe même des translations de ce type sont faciles à recenser. Ainsi Bakhtine par exemple a longtemps été une référence centrale pour tout lecteur de Rabelais bien qu’il soit lui-même russe et nourri de philologie allemande. En revanche les perspectives critiques propres au monde arabe, indien ou chinois restent enfermées dans l’espace qui les a vu naître. La question qui se pose serait de mesurer l’applicabilité d’un LIU Xie aux commentaires de textes européens.